Pour Hugo Maleysson, maçon du bâtiment ancien et dessinateur autodidacte, le dessin est une manière d’exprimer les histoires qui naissent dans sa tête, de les raconter en dessinant, et non pas une fois qu’elles sont dessinées. Des histoires mettant en scène ses amis et lui dans des mondes imaginaires. Ce sont ainsi les paysages, les bâtiments, les plantes qu’il a voulu dessiner, plus que d’autres gens. Il présente au festival « Documenter un voyage de six mois et demi dans les Andes, au Chili, Bolivie, Pérou et argentine ».
Que présentez-vous au Rendez-vous International du Carnet de Voyage ?
Je suis parti 6 mois et demi en Amérique latine. Dans la vie je suis maçon en terre crue, j’essaye de travailler avec des matériaux naturels, traditionnels. En Amérique latine, je savais qu’ils ont un gros savoir-faire sur le sujet, c’est ce qui m’a intéressé. C’est le fil rouge de mon voyage. Je voulais savoir si ce savoir-faire a été préservé. Et si c’est le cas, j’ai voulu savoir s’il y a une mise en œuvre différente de la France ou est-ce que c’est pareil.
Avez-vous travaillé sur place ?
J’ai essayé d’échanger du temps de travail contre le gite et le couvert. Parfois, de façon informelle, en passant devant un chantier. Je suis aussi passé par des sites comme Workaway pour être reçu chez des gens.
Quel est le bilan, les façons de faire sont-elles très différentes de celles en France ?
Il y a un énorme savoir-faire, beaucoup de gens vivent encore dans un habitat naturel et connaissent encore ses caractéristiques. Ce n’est pas compliqué à construire dans ces pays et les matériaux sont très accessibles.
Le monde industriel rattrape ces pays, ce qui fait qu’on considère que des maisons en brique de terre c’était la façon de vivre des grands-parents.
Majoritairement les villes que j’ai vues sont orange et en béton. Je n’ai pas de jugement à apporter car je suis étranger à ce pays. Il y a beaucoup de raisons qui expliquent ce changement, des raisons politiques comme le Président bolivien Evo Morales (jusqu’en 2019) qui a débloqué de grandes politiques de constructions publiques.
Vous ne vous êtes intéressé qu’aux bâtiments lors de votre voyage ?
J’ai fait des écarts à mon fil rouge, je me suis permis d’être un « pur » touriste et d’aller randonner au Machu Picchu par exemple.
Ça fait du bien d’être un « pur » touriste ?
Non. Dans un pays comme le Pérou, les centres-villes sont très désagréables, j’avais l’impression d’être un distributeur de billets dans certaines rues de Cusco.
Est-ce qu’il y a eu une rencontre marquante durant ce voyage ?
Je me suis fait des amis latinos avec qui j’ai gardé contact. Une rencontre m’a marquée. J’avais prévu d’aller en Colombie et sur la route j’ai rencontré beaucoup d’Argentins dont un que j’ai recroisé par hasard. Il m’a convaincu d’aller faire un chantier en Argentine, j’ai fait un demi-tour complet pour y aller. Je devais travailler avec une architecte et je suis arrivé pile au moment de l’élection du nouveau président Javier Milei, libéral extrémiste. On devait travailler sur des églises en adobes (briques). Pour ce Président la culture et le patrimoine, c’est du gâchis, donc quand je suis arrivé, l’architecte a perdu beaucoup de ses chantiers. Elle n’a pas pu me recevoir sur ses chantiers.
Quand j’ai retrouvé ce copain urbaniste qui travaille sur des « villas » et qui habite à Buenos Aires, il m’a dit ne plus faire de dépenses inutiles, par exemple ne plus aller au restaurant. Comme il s’occupe des pauvres dans son métier d’urbanise, il n’était pas sûr garder son travail. Il dessinait aussi, on s’est montré nos carnets de voyage.
Je vous donne un billet sans retour, où allez-vous ?
Au Mexique car j’aime manger épicé. Dans ce pays je retrouve aussi mon fil rouge. Il y a un constructeur dont j’ai vu des conférences en France qui fait des voutes en adobes, briques crues et cuites. Il a un maitre maçon dont la truelle est toute déformée à force de casser des briques. J’aimerais travailler avec lui peut-être même pour un salaire !
Quel est votre coup de cœur du festival ?
En termes de technique, Christian Heinrich, qui a d’ailleurs gagné le Grand prix de la fondation d’entreprise Michelin au festival. Il a une technique folle, j’aime sa façon de travailler ses carnets.