Il faut aller voir

En tête-à tête avec Sandrine Pierrefeu

Sandrine Pierrefeu écrit, enregistre, écoute. De ses périples marins ou terrestres, ici, là-bas, très loin ou tout près, elle rapporte des carnets, des poèmes et des sons. Elle les partage ensuite sous forme de livres, de livres pour enfants ou de carnets sonores qu’elle présente au Rendez-vous International du Carnet de Voyage.

Comment êtes-vous devenue marin, écrivaine et aussi créatrice de carnets sonores ?

J’ai passé une partie de mon enfance sur un bateau en Polynésie française. Mon père vivait sur un bateau, je passais 3 ou 4 mois par an à vivre avec ces gens qui font le tour du monde. Et j‘ai aussi passé mon enfance dans le Sahara, c’est une forme d’immensité et de sauvagerie.

Ma deuxième jambe pour avancer dans l’existence, c’est l’écriture. Depuis que j’ai su manier les lettres, l’écriture a toujours été un instrument de sécurité, de survie, pour consigner les beautés du monde et pour que je sois neuve le lendemain. Je posais mes mots pour ne pas les perdre et les garder. Et le lendemain, j’avais de la place pour accueillir les nouvelles émotions.

Quand on se concentre pour peindre, on regarde mieux, on prend le temps. Ecrire nécessite de se concentrer sur ce qu’on voit pour essayer de le partager. Ecrire nécessite de regarder les choses encore plus finement.

Que présentez-vous au Rendez-vous International du Carnet de Voyage ?

Je présente un carnet sonore d’une traversée entre Vancouver et l’Alaska, à micro ouvert. C’est une traversée où je n’étais pas capitaine, j’avais emporté mon enregistreur. J’ai eu envie de partager ces sons car le carnet de voyage sonore c’est une immersion immédiate.

 Je ne sais pas dessiner ou prendre des photos et avec les mots on est loin des gens qui nous lisent. Grâce au carnet de bord sonore, les gens sont immédiatement à bord, sans intermédiaire. Et moi, je suis tout de suite avec ceux qui découvrent ce voyage.

J’ai aussi apporté mon carnet sonore « mails d’Inde, mails dingues ». Je suis partie 2 mois au Ladakh et dans l’Himalaya récolter des plantes médicinales avec une femme médecin tibétain. Je n’avais pris ni téléphone, ni ordinateur, juste mon enregistreur. Je me suis autorisée seulement 8 fois en deux mois à aller dans un internet café pour envoyer un e-mail aux gens que j’aime. Ce sont ces mails que je lis sur des atmosphères sonores que j’ai enregistrées.

Il y a également 7 ou 8 autres sons à écouter durant le festival. Il y a quasiment 1h d’écoute dont un voyage appelé « La clé des stups ». Le but était de partir à Ouessan avec mon enregistreur. En route, j’ai eu un problème grave de santé et j’ai été évacuée avec mon enregistreur, c’est devenu un carnet de voyage à l’hôpital comprenant mon opération, la morphine, 15 jours sans manger, remarqué au festival Longueur d’ondes (festival de la radio et de l’écoute).

« Hermione jeûne et déterminée » parle d’une pianiste de 33 ans à qui on a annoncé un cancer. Quand elle s’en est sortie, on a ouvert toutes les deux son carnet de guérison et on l’a lu ensemble, au piano. Elle fait 47kg pour 1m74. Quand on lui a annoncé son cancer, elle a décidé de jeûner pendant ses chimio pour réduire ses effets secondaires. On lui a déconseillé mais elle l’a quand même fait et a eu peu d’effets secondaires.

J’ai aussi apporté un ouvrage de Juliette Guéry qui sera avec moi, samedi 16 novembre au Rendez-vous International du Carnet de Voyage.

Quels livres présentez-vous ?

Avant d’être marin, je suis écrivain et j’ai apporté « Partir 66° nord » et « La Matelote et les funambules » (Glénat). Ils ont eu plusieurs prix, meilleur livre de l’année 2024, prix littéraire marine Bravo Zulu.

J’effectuerai une lecture samedi 14h et des dédicaces à 16h30 à la librairie du festival.

Vous aimez faire découvrir la navigation aux autres ?

Je navigue beaucoup au Groenland et en Antarctique avec des artistes, parfois avec des jeunes en difficulté. J’aime cette idée d’ouvrir la mer à des gens qui ne la connaissent pas. J’ai la volonté de partager la beauté avec ceux qui n’ont pas la chance d’y avoir accès. Je suis traductrice de ce que je vois avec les mots et les sons pour s’attendrir et être meilleur.

Je vous donne un billet sans retour, où allez-vous ?

En Alaska ou en Terre de feu (Argentine) car le paysage est plus grand que moi et je ne m’y sens pas intruse comme en Antarctique où il n’y a pas d’homme et où je pollue forcément. Ce sont les confins, les limites de l’hostilité. Je ne m’y sens pas totalement légitime.

En Alaska et en Terre de feu, des gens y vivent et je me sens capable d’y vivre sans abuser des ressources et des gens qui y sont.

Quel est votre coup de cœur du festival ?

Je suis à un stand à côté d’Emeline Rétif et Maud Langlois dont j’aime beaucoup le travail. J’apprécie aussi beaucoup les créations d’Emmanuel Michel, c’est splendide ce qu’il fait.

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