Il faut aller voir

En tête-à-tête avec Marion Delattre et Christian Meneses Saez

Marion Delattre et Christian Meneses Saez sont des artistes intervenants, plasticiens, voyageurs, illustrateurs pour carnets de voyage, revues, livres, etc. Ils viennent présenter au Rendez-vous International du Carnet de Voyage leur ouvrage, « Carnet du Wallmapu », au coeur du sud du chili, sur le territoire mapuche.

Que présentez-vous au Rendez-vous International du Carnet de Voyage ?

Marion : On est venu il y a 3 ans au festival pour notre ouvrage « Les vélos vagabonds » racontant un voyage de 4 ans en Amérique du Sud (autoédité). Cette année, on revient avec un nouveau carnet de voyage « Carnet du Wallmapu » (autoédité), un voyage en sac à dos, au sud du Chili. C’est le territoire mapuche, une ethnie au sud du Chili.

Ce voyage est-il une sorte de retour au source ?

Marion : Effectivement, mon compagnon Christian est chilien c’était donc une occasion de réapprendre des choses que des Chiliens ont enfoui dans leur culture comme nous les Français, nous avons perdu nos langues régionales.

Beaucoup de gens au Chili sont partis vivre en ville et il y a désormais une culture de récupération territoriale et culturelle. Les Chiliens retournent au sud du pays et récupèrent des terres qui appartenaient au peuple Mapuche, un peuple guerrier qui a beaucoup résisté à différents colons. Ils sont en conflit avec l’Etat Chilien qui usurpe leur terre, notamment des entreprises étrangères forestières qui plantent des pins et des eucalyptus et rasent la forêt primaire. Les Mapuche sont en résistance.

Est-ce donc un carnet de résistance ?

Marion : Ce carnet est un moyen de parler de ce problème et aussi de mondes imaginaires, de façon très symbolique. Il y a aussi un lexique tout au long de cet ouvrage pour traduire certains mots.  Ce livre parle de l’organisation sociale et spirituelle des Mapuche.

Est-ce facile d’entrer en contact avec les Mapuche ?

Marion : On a eu la chance d’être invité dans des communautés très fermées parce qu’ils sont tout le temps en résistance contre les gens qui les entoure comme les policiers, les militaires. Le fait que Christian soit chilien nous a ouvert des portes. Christian avait des contacts, ce qui nous a permis  d’échanger avec les Machis. Ce carnet c’est pour leur rendre hommage et poser sur papier ces mots qu’on a appris et ces modes de vie qu’on trouve très respectueux de l’environnement. C’est une leçon de vie.

Est-ce que ça a été difficile de voyager avec votre fille ?

Marion : Millaray a 8 ans et un prénom mapuche. C’est important pour nous qu’elle connaisse ses racines françaises et chiliennes, elle a les deux apports culturels. En France, elle va dans une école occitane. Voyager avec elle n’a pas été une difficulté, au contraire. Les gens sont souvent très contents de voir des enfants. Depuis qu’elle est née, on voyage avec elle. Elle a son sac à dos, elle est toujours prête à apprendre. Elle fait même ses carnets de voyage. On lui a dédié une double page dans le livre, on a scanné ses dessins.

Quelle a été une des rencontres marquantes de ce voyage ?

Christian :  La rencontre marquante de ce voyage a été celle avec le Machi, le représentant spirituel d’une communauté mapuche. C’est comme un chamane. Quand il te regarde, il peut lire en toi. C’est spécial. Ça m’a marqué car ça m’a permis de parler avec ma cuture ancestrale. C’est une rencontre qui aide à comprendre, à appréhender sa recherche d’identité. En plus il était très jeune, il devait avoir 25 ans. On avait l’impression de voir une femme et un homme, un jeune, un enfant et un sage à la fois. Et malgré son jeune âge, il avait déjà un savoir énorme sur la vie.

Il reçoit les gens de manière individuelles. C’est un peu le médecin local. Ces peuples accordent une importance énorme aux plantes

Marion : Je n’ai pas voulu avoir un entretien individuel avec le Machi à cause de mon statut d’occidentale, je n’étais pas prête. J’ai rencontré toute la famille du Machi, je suis allée dans sa maison, sans sol, sur de la terre. Ils sont dans une situation d’extrême pauvreté et pourtant ils ne demandent pas d’argent. C’est un échange et tu peux les aider comme tu veux, ils ne t’obligent à rien.

Avez-vous voulu rendre hommage à cette communauté dans ce carnet de voyage ?

Pour nous c’est important de parler de la situation des Mapuche et en plus c’est quelque chose dont on ne parle pas dans le sud du Chili et qu’on ne voit pas en tant que touriste. Le sud du Chili, de l’Argentine, sont magnifiques mais ces territoires ont été construits sur des massacres de population. Les Mapuche sont encore vivants et il faut absolument les reconnaitre. C’est un peu les ZAD françaises du Chili. Ils vivent au jour le jour entourés de policiers et militaires.

C’est un carnet de voyage témoin d’une situation politique.

Je vous donne un billet sans retour, où allez-vous ?

Marion : J’irai au Brésil car je ne connais pas bien le Portugais et avec un billet sans retour, j’aurais du temps pour apprendre la langue et comme c’est grand, j’aurais beaucoup de choses à faire.

Quel est ton coup de cœur du festival ?

Marion : Bernard Guérin, j’adore les couleurs qu’il utilise, ça m’a attiré l’œil tout de suite.

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