L’auteur et dessinateur Lucas Vallerie et Michaël Bunel, photographe professionnel spécialisé dans la presse qui a travaillé en Syrie, Turquie, Ukraine, à Gaza ont remporté le prix du Club de la presse Auvergne pour leur ouvrage « Rescapé.e.s » (éd. La Boîte à Bulles) durant le 23ème Rendez-vous International du Carnet de Voyage. Rencontre avec Lucas Vallerie en pleine dédicace de son ouvrage.
Comment es-tu devenu dessinateur ?
Je viens du dessin animé, l’animation 3D. J’ai aussi fait un documentaire « Une balade pour les Khmers », un docu carnet de voyage sur les enfants pris en charge par les ONG.
Je me suis mis à la BD sur le tard quand j’étais à Bruxelles car j’avais envie de raconter mes propres histoires avec un blog « L’île à lulu », pour apprendre le langage de la BD.
Comment est né le projet « Rescapé.e.s » ?
J’ai grandi en Martinique, j’en suis parti puis je suis retourné sur l’île en vacances. J’ai gravi le volcan Pelée. C’est alors que j’ai voulu raconter l’histoire du prisonnier qui a survécu à l’éruption de ce volcan. J’ai alors constitué un dossier que j’ai envoyé à des éditeurs. L’éditeur La Boîte à bulles m’a répondu, je suis resté 6 ans sur place et durant 4 ans j’ai travaillé sur ce projet. J’ai aussi donné des cours en prison là-bas, j’ai fait des cartes postales. Puis je suis rentré en métropole en bateau, avec un projet de BD sur la transat avec le bateau du père Jaouen. C’est un prêtre, jésuite, ancien aumônier des prisons qui a fondé dans les années 1950, l’association AJD (Aumônerie de la Jeunesse Délinquante), rebaptisée association des Amis de Jeudi Dimanche, pour permettre aux jeunes en rupture de ban de se reconstruire. Ce projet a été interrompu par l’appel de mon éditeur pour travailler sur le projet de MSF et embarquer à bord du Geo Barents, le navire affrété par MSF afin de secourir des migrants en Méditerranée.
Que raconte « Rescapé.e.s » (éd. La Boîte à Bulles) ?
On présente avec Michaël, le fruit de notre travail à bord de ce navire de sauvetage de Médecins Sans Frontières. Ils font monter deux journalistes à bord par rotation et/ou des artistes pour témoigner du quotidien.
Le projet initial était une BD qui s’appelle « La route de l’aventure » (à paraître en juin 2024). Elle sera axée sur les témoignages des personnes accueillies à bord.
Nous avons passé 25 jours à bord. Il y avait deux rotations, la première il y a eu un sauvetage d’un naufrage, avec notamment une femme enceinte, décédée à bord. Nous sommes rentrés déposer à terre les naufragés puis nous sommes repartis en mer.
On nous prépare psychologiquement mais ça reste dur. A bord, on a beaucoup partagé avec les équipes, on a traversé de nombreuses émotions, tristesse, colère, joie… On a aussi beaucoup pleuré, rigolé. On participait à tout, aux entraînements théoriques et pratiques, on écrivait tous les jours, on témoignait sur les réseaux de notre vécu sur ce bateau.
A la fin des 25 jours, on avait beaucoup de contenu, j’ai proposé de faire un premier livre. L’éditeur a dit oui. Le bouquin a été fait à chaud sur le bateau.
Comment vous êtes-vous répartis le travail avec Michaël ?
Michaël et moi avons fait ensemble les textes du livre. Je lui faisais valider les compos, qu’il corrigeait parfois. J’ai fait la maquette du livre. Michaël m’a donné des photos. Il m’a conseillé dans la sélection des photos. La graphiste de l’éditeur La Boîte à Bulles a aussi retravaillé le contenu.
Quelle a été la rencontre marquante durant ce périple ?
Michaël que je ne connaissais pas. Et aussi toutes les histoires que j’ai entendues sont marquantes, les aidants sont marquants et aussi les rescapés. C’est ce que je voulais montrer dans la BD. J’espère que leur(s) enfant(s) verront ce livre.
Cela fait quoi de remporter le prix du club de la presse Auvergne durant le festival ?
On était super content, on était nominé mais on ne savait pas qu’on allait gagner. C’est un honneur pour les équipes de MSF aussi. Leur travail peut être mis en valeur. Ils sont très humbles et ne se considèrent pas comme des héros. Ce sont des gens très engagés, d’une humanité incroyable. Ce bateau c’est un sas d’humanité entre par exemple, la Libye où les migrants ont connu la torture et l’Europe qui ne veut pas les accueillir. La bienveillance à bord ce n’est pas un vain mot.
Je te donne un billet sans retour où vas-tu ?
Je pars obligatoirement avec ma famille. Je vais en Martinique, c’est chez moi !
Quel est ton coup de cœur du festival ?
Le prix du film Chamina Voyages « Un monde sous vide » d’Hervé Pfister avec Fabien Favre. C’est un film engagé. J’ai d’ailleurs participé à « Plastik AttaK » (collectif qui milite pour la réduction des emballages plastiques), en Martinique.